Perspectives trimestrielles de l’Asie : une progression régulière

Les grandes économies d’Asie stabilisent prudemment leur navire alors qu’elles amorcent le deuxième trimestre et que persistent les déséquilibres intérieurs et les risques géopolitiques.

Première publication le 28 mars 2024 par Fidelity International
Rédigé par Lei Zhu, chef, Titres à revenu fixe asiatiques, et Yi Hu, rédacteur financier

Faits saillant

  • Stabilisation contrôlée en Chine
  • L’optimisme est plus répandu au Japon
  • La région doit faire un exercice d’équilibre

L’Asie demeure un moteur important de la croissance mondiale, et ses économies sont essentiellement sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de croissance annuelle de leur PIB, mais la stabilité est devenue un point de mire important de la région à l’aube du deuxième trimestre.

La Chine doit composer avec des obstacles structurels pour stabiliser sa croissance autour de sa cible de 5 %. Pour sa part, le Japon vise un équilibre entre la hausse des taux d’intérêt et le maintien de la relance de son économie. En Asie du Sud-Est, les banques centrales attendent patiemment un signe de la Réserve fédérale américaine (la Fed) avant d’envisager un assouplissement de leur politique. En Inde, où la croissance est robuste, la stabilisation de l’inflation est devenue une tâche importante. 

La manière dont les pays asiatiques gèrent leurs déséquilibres intérieurs aura une profonde incidence sur les perspectives de la région pour le reste de 2024.

Stabilisation contrôlée en Chine

La Chine procède à une stabilisation contrôlée de son économie malgré le ralentissement du secteur immobilier; elle cherche par ailleurs à délaisser l’expansion alimentée par l’endettement en faveur de la consommation et de la fabrication de produits haut de gamme. Fidelity International surveille étroitement les mesures budgétaires, comme l’émission d’obligations par le gouvernement central. Les prévisions quant au taux de croissance annuel de la Chine sont légèrement inférieures à la cible officielle, les mesures de soutien observées par Fidelity International n’étant pas suffisamment robustes. 

D’un point de vue monétaire, Fidelity International ne prévoit pas d’importantes baisses de taux de la part de la Banque populaire de Chine tant que la Fed n’aura pas clairement réorienté sa politique. Les baisses de taux en Chine risquent d’être modestes, même dans l’éventualité d’un assouplissement monétaire de la Fed; cela dit, un tel assouplissement soutiendra probablement les mesures budgétaires cette année. 

Fidelity International observe certains signes hâtifs, mais encourageants, d’un nouvel essor de l’activité économique en Chine. Comme l’indique le tableau ci-dessous, le secteur des services progresse et celui de l’industrie revient à la moyenne à long terme. Le secteur de l’immobilier demeure toutefois inférieur à la tendance. Tout cela indique que les efforts déployés par le gouvernement pour rééquilibrer l’économie commencent à porter leurs fruits.

Tableau 1 ‒ Indicateurs d’activité de la Chine, par secteur
Graphique linéaire dont les trois lignes représentent les secteurs chinois de l’industrie, des services et de l’immobilier entre 2007 et le 31 décembre 2023.  Les lignes montrent qu’au cours des derniers mois, le secteur des services a affiché une tendance supérieure à la moyenne à long terme. La ligne représentant le secteur de l’industrie se rapproche de la moyenne à long terme, mais celle de l’immobilier était toujours sous la moyenne au 31 décembre 2023.
Sources : Bloomberg, Haver Analytics, Wind et Fidelity International, février 2024.

Le brave nouveau monde du Japon

L’optimisme est plus répandu au Japon, où l’économie s’est sortie de plus de deux décennies de récessions et de stagnation et a enregistré des hausses de prix modestes et généralisées. La Banque du Japon marche toutefois sur des œufs en ce qui concerne le rythme de la normalisation de sa politique, après avoir relevé les taux d’intérêt plus tôt ce mois-ci pour la première fois en près de vingt ans. Des hausses trop rapides pourraient en effet freiner la croissance et nuire à la stabilité financière.

Dans la foulée de l’augmentation des prix à la consommation, de nombreux syndicats industriels ont obtenu des hausses salariales pour leurs membres lors du « shuntō » – les négociations salariales du printemps – de cette année. Fidelity International croit qu’un cycle salaires-prix vertueux devrait pouvoir se poursuivre, ce qui se traduira en fin de compte par un taux neutre plus élevé pour le Japon. La Banque du Japon pourrait devoir majorer de nouveau son taux directeur pour atteindre la cible de stabilité des prix de 2 %.

Tableau 2 ‒ Taux directeur implicite du marché de la Banque du Japon
Graphique linéaire et à barres combiné dont les barres correspondent au nombre de hausses de taux de la banque centrale prises en compte par le marché et la ligne, le taux directeur implicite entre avril et décembre 2024. Le nombre de hausses (représentées par les barres) et le taux directeur implicite (représenté par une ligne) affichent tous deux une tendance haussière constante.  Au 19 décembre 2024, le nombre de hausses prises en compte s’établissait à 1,953, et le taux directeur implicite s’élevait à 0,26 %.
Sources : Bloomberg et Fidelity International, mars 2024. Fondé sur les prix au 20 mars 2024. On suppose que chaque hausse sera de 10 p.b.

Alors que la reflation se poursuit, Fidelity International s’attend à ce que les marchés financiers et le secteur immobilier du Japon continuent de bénéficier d’entrées de capitaux, attribuables aux investisseurs japonais qui rapatrient leurs fonds placés à l’étranger et aux investisseurs étrangers.

L’exercice d’équilibre de la région

La consommation intérieure robuste soutient la croissance en Asie du Sud-Est, mais les exportations demeurent faibles en raison des incertitudes entourant la demande mondiale. Le rapatriement continu des activités de fabrication de la Chine pourrait donner un coup de pouce aux exportations de la région. Plusieurs pays, dont le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie et la Thaïlande pourraient être avantagés à mesure que les entreprises mondiales ajustent leur exposition à la Chine ou adoptent une stratégie « Chine plus un » en relocalisant une partie de leurs chaînes d’approvisionnement au bloc de l’ANASE. 

Tableau 3 ‒ Les exportations de l’ANASE peinent à reprendre de la vigueur
Graphique linéaire représentant la croissance des exportations d’une année à l’autre en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, aux Philippines et au Vietnam entre mars 2014 et février 2024.  Le Vietnam a enregistré une flambée de croissance en janvier 2024, mais il s’agissait d’une anomalie.  Les pays de l’ASANE ont enregistré une croissance négative pendant la plus grande partie de 2023 et depuis le début de 2024.
Sources : Bloomberg et Fidelity International, mars 2024.

Malgré la morosité des exportations, les pays de l’ANASE hésitent à réduire leurs taux d’intérêt ou à affaiblir leur monnaie avant de voir des signes d’assouplissement clairs en provenance des États-Unis. L’histoire nous enseigne qu’un assouplissement trop dynamique pourrait provoquer des sorties de capitaux désastreuses dans la région, où le financement extérieur joue un rôle important. 

Tout bien considéré, Fidelity International croit que la région est en voie d’atteindre un taux de croissance annuel légèrement supérieur à celui de l’année dernière, qui s’est établi à 4,3 %. Le rapatriement accéléré des opérations de fabrication de la Chine ou une croissance mondiale plus forte pourrait donner lieu à des gains inattendus. 

L’Inde se prépare à une élection générale qui se déroulera d’avril à juin, et les sondages d’opinion favorisent le parti au pouvoir du premier ministre Narendra Modi. La manière dont les décideurs contiendront l’inflation aura une profonde incidence sur l’économie alors que se poursuit le solide élan de croissance. Le pays profite également de la réorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales ainsi que des entrées de capitaux. 

Cela est symptomatique de l’ensemble de la région. Les économies de l’Asie continuent de naviguer à pleine vapeur, mais leurs timoniers mettent le cap sur la stabilité intérieure afin de connaître des parcours plus longs et plus sûrs.