Les entrepôts constituent une réserve de valeur immobilière

Le marché européen de la logistique est jusqu’ici passé à côté de la révolution verte qui transforme le secteur immobilier. Toutefois, compte tenu des avantages évidents sur le plan des coûts pour les actifs durables et de la révision imminente des évaluations, le moment est venu de réduire l’empreinte carbone de l’un des plus importants segments de l’immobilier.

Article publié en avril 2023 par Fidelity International.
Rédigé par Maarten Frouws, gestionnaire de placements, Immobilier, Cian O-Sullivan, analyste, et Nina Flitman, rédactrice principale.

Les Pays-Bas sont le cœur logistique de l’Europe. Le petit pays possède le plus grand port de mer de la région, un important aéroport-pivot et environ 41 millions de mètres carrés d’entrepôts et de centres de distribution, soit l’équivalent d’environ 6 000 terrains de soccer. 

L’entrepôt néerlandais moyen, d’une superficie d’environ 25 000 mètres carrés, est un immeuble déjà assez écoénergétique. L’intensité de la consommation d’énergie pour ces types d’immeubles est estimée à 86 kWh par mètre carré1 contre 250 kWh/m2 pour les bureaux et 150-175 kWh/m2 pour les maisons2. Malgré cette longueur d’avance, d’importantes améliorations pourraient être apportées, et devraient l’être si Fidelity International veut atteindre ses objectifs de carboneutralité. De plus, alors que la plupart des immeubles d’habitation et de bureaux en Europe attaquent de front leur empreinte carbone, le segment de la logistique – l’une des principales composantes de cette catégorie d’actif – a été jusqu’ici laissé pour compte.

Le point sur la durabilité

En Europe, les actifs logistiques occupent 421 millions de mètres carrés3, soit presque la même superficie que celle de la Barbade, dont près de 32 millions de mètres carrés de nouveaux locaux, répartis sur 13 pays, ont été ajoutés en 20224. En Angleterre, les entrepôts occupent 126 millions de m2, soit plus que les bureaux (74 millions de m2), les commerces de détail (115 millions de m2) et les sites d’enfouissement (20 millions de m2)5. Mais la durabilité n’a jamais été une priorité pour cet énorme sous-secteur. À la fin de 2022, la part moyenne des immeubles certifiés BREEAM dans les investissements en bâtiments industriels et logistiques n’était que de 8,1 %6

Bien que les entrepôts et les centres de distribution utilisent habituellement moins d’énergie par rapport à leur taille que les bureaux ou les maisons (ils sont moins susceptibles d’être chauffés, par exemple), la demande d’actifs verts dans le segment de la logistique continue de croître. Même si peu de recherches ont été effectuées sur le montant que les occupants ou les investisseurs sont prêts à payer pour ces immeubles verts, les ensembles de données émergentes commencent à démontrer de manière convaincante qu’il y a lieu d’améliorer leur durabilité sur le plan économique (en anglais).

Par exemple, même en réduisant le chauffage, les coûts de l’énergie pèsent toujours sur les occupants. Ainsi, les locataires d’un entrepôt néerlandais que Fidelity International a examiné peuvent s’attendre à assumer des coûts d’énergie annuels d’environ 775 000 euros7, soit environ 26,7 % des coûts d’occupation totaux8. Toutefois, l’analyse de Fidelity International donne à penser que l’intensité de la consommation d’énergie d’un immeuble comme celui-ci pourrait être ramenée à environ 28 kWh/m2 par une mise à niveau, laissant entrevoir un coût énergétique annuel total de seulement 250 000 euros, soit une réduction des deux tiers. Dans ces cas, la proportion des coûts d’occupation consacrée à l’énergie serait ramenée à environ 10,6 % (en supposant qu’aucune prime verte ne serait appliquée et que le loyer annuel demeurerait autour de 2,1 millions d’euros).

Les occupants commencent à prendre note de telles données. Un sondage mené en 2022 par l’agence immobilière Savills sur le segment de la logistique du marché immobilier a révélé que les caractéristiques vertes sont considérées comme « très importantes » ou « importantes » par 65 % des investisseurs, et que les 35 % restants affirment qu’elles sont « légèrement » ou « modérément » importantes9

De plus, il semble que les acheteurs sont prêts à payer afin de satisfaire leur appétit pour des actifs durables. Des recherches menées par CBRE, une société d’immobilier commercial, donnent à penser que les actifs logistiques du Royaume-Uni qui ont obtenu la certification BREEAM avec la mention « excellent » bénéficient d’une prime d’évaluation médiane de 30 points de base par rapport au taux net des propriétés de premier ordre.

La nouvelle réglementation devrait également accroître la demande pour les immeubles logistiques durables. Au Royaume-Uni, les normes minimales d’efficacité énergétique, qui exigent que les immeubles commerciaux répondent à certaines normes de rendement énergétique, commenceront à s’appliquer aux actifs logistiques au cours des prochaines années, comme c’est déjà le cas dans divers territoires européens. Les immeubles qui ne seront pas améliorés risqueront de devenir des actifs délaissés qui ne pourront pas être loués et qui ne se vendront qu’à escompte.

La pression monte

L’empreinte carbone du segment de la logistique oblige les entreprises à devancer leur calendrier à mesure que l’activité dans le segment et la demande de locaux augmentent, alimentées par le secteur du commerce de détail, qui poursuit son évolution vers les opérations en ligne et qui dépend de plus en plus des entrepôts et des centres de distribution. Au Royaume-Uni, par exemple, on estime que pour chaque croissance d’un milliard de livres du commerce de détail en ligne, la superficie d’entreposage doit grossir de 72 000 m2 10, soit environ 10 terrains de soccer. Environ 89 % des occupants estiment qu’ils auront besoin de la même superficie ou d’une superficie plus grande au cours des trois prochaines années11, tandis que le réalignement de la chaîne d’approvisionnement au moyen du rapatriement de la production et de la conservation accrue des stocks signifie que les fabricants et les fournisseurs de services logistiques tiers prévoient avoir besoin de plus d’espace. 

Fidelity International s’attend non seulement à ce que de nouvelles infrastructures logistiques soient construites en tenant compte de la durabilité, mais aussi à ce que de plus en plus d’entrepôts et de centres de distribution existants soient modernisés, avec de simples améliorations comme un éclairage DEL plus efficace ou des transformations plus complexes nécessitant l’installation de thermopompes ou encore de panneaux solaires sur la toiture-terrasse d’un entrepôt. 

La forte demande combinée aux faibles taux d’inoccupation alimente déjà la majoration des loyers dans une bonne partie du marché logistique européen. Selon un indice de la société d’immobilier commercial JLL, les loyers ont bondi de 14,2 % sur 12 mois au troisième trimestre de l’an dernier12.

Une réévaluation est en cours

Même si les primes de location demeurent élevées, les prix dans le secteur de l’immobilier industriel sont nettement inférieurs à ceux d’il y a un an. Toutefois, cela donne à penser qu’il existe maintenant une occasion d’en profiter avant que le cycle ne pivote et qu’une réévaluation potentielle n’entre en vigueur. Selon les données de MSCI, les immeubles industriels, qui comprennent des actifs logistiques comme les entrepôts et les centres de distribution, sont évalués à 8 % de moins qu’ils ne l’étaient il y a 12 mois, de loin l’escompte le plus élevé de tous les secteurs. Le Royaume-Uni enregistre la plus forte baisse annuelle des évaluations des immeubles industriels, à 16,9 %, et 18,5 % pour Londres.

Rendement de la valeur du capital en Europe en date de décembre 2022
Graphique à barres groupées montrant le rendement de la valeur du capital en Europe en date de décembre 2022. L’axe vertical représente des pourcentages allant de -20 % à 0 % et l’axe horizontal représente des segments de trois mois (barre bleue), de six mois (barre orange) et de 12 mois (barre jaune) de rendement de la valeur du capital pour l’ensemble des immeubles industriels, résidentiels, de bureaux et du commerce de détail. Le secteur des immeubles industriels est évalué à 8 % de moins qu’il ne l’était il y a 12 mois, ce qui représente de loin l’escompte le plus élevé de tous les secteurs.
Sources : MSCI et Fidelity International, avril 2023.

De retour à l’entrepôt néerlandais, ces dernières données représenteraient une baisse de sa valeur de 10,4 % au cours de la dernière année, ou de 11,2 % à Rotterdam. Une réévaluation et des rénovations écologiques seraient un important stimulant pour son évaluation, en procurant des avantages au propriétaire, au locataire et à la transition vers la carboneutralité. 

 

1Towards cost-effective nearly zero energy buildings: The Dutch Situation, Wim Zeiler, Kristian Gvozdenović, Kevin de Bont et Wim Maassen; Science and Technology for the Built Environment, juillet 2016.

2The Value of Actual Energy Performance in the Dutch Private Residential Sector: A Quantitative Approach, Niels Fine.

3ERIX – Données de marché au T4 2022, CBRE

4European Logistics Market Update, JLL, février 2023.

5Land use in England, 2022, Department for Levelling Up, Housing and Communities, octobre 2022. 

6Capturing the value of sustainability in European logistics, CBRE Research, septembre 2022. 

7Pour un actif ayant une intensité de consommation d’énergie de 86 kWh par mètre carré.

8Selon un loyer d’un peu plus de 2,1 millions d’euros.

92022 European Real Estate Logistics Census, Savills, automne 2022.

10The size and make up of the UK warehousing sector, 2021, UKWA. 

112022 European Real Estate Logistics Census, Savills, automne 2022.

12European Logistics Market Update, JLL, novembre 2022.