
L’immobilier commercial demeure plus robuste en Europe qu’aux États-Unis
Les craintes à l’égard de la pression exercée par l’immobilier commercial sur les banques américaines s’intensifient, mais en Europe, le segment des immeubles de bureaux est plus résilient et la plupart des banques sont moins exposées à de fortes tensions.
Article publié initialement en avril 2023 par Fidelity International.
Rédigé par Kim Politzer, directrice en chef de la recherche, Placements immobiliers européens, et Nina Flitman, rédactrice principale.
L’immobilier est un secteur plus défensif en Europe qu’aux États-Unis. D’une part, il y a des dizaines de milliers de châteaux médiévaux en Europe, mais aucun aux États-Unis. D’autre part, et sur une note plus sérieuse, le marché de l’immobilier commercial aux États-Unis s’affaiblit, les banques américaines étant exposées à la crise qui sévit parce que les prêts et les baux dans le secteur immobilier totalisent 5 310 milliards de dollars – un sommet. L’attention s’est rapidement tournée vers le marché de l’immobilier commercial en Europe, mais Fidelity International estime que ses remparts y sont plus solides.
L’un des facteurs est la différence marquée entre le secteur des immeubles de bureaux aux États-Unis et celui en Europe, et cette différence a été exacerbée par la pandémie et la transition mondiale vers le mode de travail hybride. Le retour au bureau a été beaucoup plus lent aux États-Unis qu’en Europe. Par exemple, le nombre de voyages effectués dans le métro de New York en février 2023 a totalisé 80,3 millions[1], une diminution d’un quart par rapport aux 105,5 millions de voyages effectués en février 2020, juste avant le confinement. À titre de comparaison, à Londres, le nombre de passagers dans les systèmes souterrains et les systèmes d’autobus en février 2023 n’avait diminué que de 15 % par rapport à février 2020[2].
Le taux d’occupation des immeubles de bureaux aux États-Unis est également beaucoup plus faible que celui en Europe, soit de 40 % à 60 %, contre 70 % à 90 % en Europe. Malgré ces taux d’occupation plus faibles, les entreprises américaines n’ont pas réduit leur nombre de postes de travail et la transition vers les postes de travail partagés observée en Europe ne s’est pas encore produite aux États-Unis : les entreprises américaines offrent toujours près d’un bureau par personne (96 bureaux sont disponibles pour 100 travailleurs), tandis que dans l’Union européenne (UE), il y a environ 63 bureaux pour 100 travailleurs[3].
Cette situation a donné lieu à une importante sous-utilisation des locaux aux États-Unis, si bien que le taux d’inoccupation des immeubles de bureaux se situe désormais à 19,6 % et continue d’augmenter, alors qu’en Europe, ce taux s’établit à environ 7,4 % et reste stable.

Néanmoins, les loyers des immeubles de bureaux de premier ordre les plus élevés aux États-Unis se sont maintenus, même si les propriétaires ont dû augmenter considérablement les incitatifs offerts aux locataires pour en arriver là. Les forfaits incitatifs totaux valent maintenant près de deux ans de loyer, et les baux ne durent généralement que cinq ans. À l’inverse, les loyers des immeubles de premier ordre en Europe ont augmenté de façon modérée et, dans certains marchés, le recours aux mesures incitatives diminue en raison de la pénurie de locaux de bonne qualité.
Les risques auxquels fait face le marché américain sont exacerbés par son nombre impressionnant d’immeubles de bureaux, qui sont surtout des grandes tours difficilement convertissables à des fins résidentielles ou autres. Compte tenu de la taille de ces immeubles, lorsque les propriétaires se départissent de leurs biens et renoncent à leurs obligations, les défauts de paiement sont importants. En février 2023, le géant immobilier canadien Brookfield a fait défaut à l’égard de prêts de 784 millions de dollars garantis par deux tours de bureaux de Los Angeles. Sur la côte est, l’un des plus importants propriétaires d’immeubles de bureaux à New York, RXR Realty, a annoncé qu’il remettait les clés d’au moins deux propriétés de Manhattan. Compte tenu de la hausse des taux d’intérêt et des coûts associés à la conversion des immeubles en actifs attrayants sur le plan économique, ces propriétaires ont estimé qu’il était insensé d’un point de vue financier de continuer à rembourser leurs dettes.
Exposition limitée des banques
En Europe, la résilience s’étend au-delà des bureaux. Les banques européennes sont moins exposées au segment de l’immobilier commercial que leurs homologues américaines. En effet, les prêts dans ce segment représentent environ 7 % du portefeuille des banques européennes. La part qu’ils occupent dans le portefeuille de prêts des grandes banques américaines est presque deux fois plus élevée, soit 13 %, tandis qu’elle est six fois plus élevée du côté des banques américaines plus petites et régionales (43 %). Ces dernières ont occupé le devant de la scène depuis l’effondrement de la Silicon Valley Bank.

Les sociétés d’assurance ont également une forte exposition à ce segment, environ 15 % des fonds d’assurance vie étant garantis par des placements dans l’immobilier commercial. Un taux de perte de 8,6 %[4] dans les portefeuilles d’immeubles de bureaux (selon un taux de défaillance potentiel de 21 % et de possibles pertes de l’ordre de 41 %) entraînerait des pertes de 38 G$ dans le secteur bancaire américain et de 16 G$ dans le marché de l’assurance.
Autre facteur positif pour l’Europe : de nombreuses obligations liées à l’immobilier commercial ont été renégociées alors que les taux étaient faibles et ces dernières n’auront pas à être renouvelées avant quelques années.

Le risque de contagion persiste
Toutefois, comme en témoignent les innombrables ruines impressionnantes qui parsèment l’Europe, quelle que soit la hauteur de leurs remparts ou l’épaisseur de leurs murs, très peu de châteaux sont complètement imperméables aux forces extérieures. Il en va de même pour le marché des immeubles commerciaux en Europe. Celui-ci pourrait succomber si les problèmes sur le marché immobilier mondial s’aggravent, provoquant ainsi une nouvelle crise de liquidités. Une telle situation pourrait déclencher une crise de confiance dans l’ensemble du secteur, et ce, indépendamment de la vigueur relative des données fondamentales du marché en Europe. Le resserrement des conditions de crédit dans le secteur de l’immobilier pourrait avoir comme effet de compenser l’assouplissement de la politique de taux d’intérêt des banques centrales.
La Banque centrale européenne considère l’immobilier commercial comme un segment vulnérable et envisage de superviser davantage l’exposition des banques à ce marché. Une inspection de 40 groupes bancaires l’an dernier a révélé que l’immobilier commercial peut représenter jusqu’à 30 % des prêts non productifs des banques (principalement les legs de la crise financière mondiale), alors que de nombreux prêteurs bancaires ne surveillent pas suffisamment les risques de portefeuille. Plusieurs d’entre eux n’ont pas de paramètres de risque de base généralement définis pour leur portefeuille, et il arrive même qu’ils ne comprennent pas où se situent les immeubles[5].
Ces faiblesses prennent la forme de risques hypothétiques et se manifestent par des événements sur le marché. Au début de mars, Blackstone a fait défaut à l’égard d’une obligation de 531 millions d’euros adossée à un portefeuille de bureaux et de commerces appartenant à la société finlandaise Sponda, après que les porteurs d’obligations eurent voté contre une demande de prolongation de l’entente.
En effet, les pays nordiques sont la seule région d’Europe où l’exposition des banques à l’immobilier commercial est comparable à celle des États-Unis, les prêts dans ce segment représentant plus du cinquième du portefeuille de prêts de Handelsbanken, de Danske Bank et de Swedbank.
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Malgré ces menaces, Fidelity International ne croit pas qu’il est temps de monter aux barricades et pense que l’immobilier pourrait être plus résilient que prévu. Le système mondial dispose encore d’une grande marge de manœuvre (environ 469 G$, ce qui équivaut à environ deux trimestres d’activités de placement à l’échelle mondiale). De plus, Fidelity International a enregistré des niveaux étonnamment positifs de liquidité sur le marché immobilier, un actif allemand ayant fait l’objet de plus de 20 offres lors d’une récente vente.
Les risques sur le marché européen – et pour les banques de crédit européennes – sont limités. Le segment des immeubles commerciaux dans le monde est peut-être menacé en ce moment, mais la forteresse qui surplombe le secteur de l’immobilier en Europe offre une protection considérable.
[1] Selon les données sur les sorties du métro, NYC Subway Turnstile Counts, mars 2023.
[2] Transport à Londres, mars 2023.
[3] AWA Hybrid Working Index, juillet 2022.
[4] Commercial Real Estate Overview, J.P. Morgan, mars 2023.
[5] Comité européen du risque systémique, janvier 2023.
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